Et je suis passée d’enceinte à vide.
Je m’appelle Sonia, j’ai 26 ans. Je suis assistante sociale.
Quelques temps avant mon mariage avec Romain, l’homme de ma vie que j’aime alors depuis 9 ans, nous décidons d’essayer d’avoir un bébé pour concrétiser notre amour et fonder notre famille. J’arrête donc ma contraception. C’est un projet dont nous parlons depuis longtemps maintenant, et nous nous imaginons très bien avec un bébé. J’ai totalement conscience à ce moment-là qu’il peut s’écouler plus ou moins de temps avant que je ne parvienne enfin à tomber enceinte. Ce que je ne sais pas en revanche, c’est que l’attente sera aussi éprouvante. Moi qui suis plutôt de nature à tout contrôler, je n’ai absolument aucun pouvoir là-dessus. Je me dois seulement de lâcher prise et de patienter.
Les mois s’écoulent et il ne se passe rien. A chaque fois le même scénario se produit. J’ai le ventre qui gonfle à l’approche de mes règles je le sais, mais j’imagine que c’est une grossesse. Puis mes règles finissent par arriver. L’histoire se répète inlassablement et le temps me semble bien long.
Après 8 mois d’essai, un retard de règles d’une semaine et une poitrine extrêmement tendue je fais un test qui, enfin, s’avère positif ! Je cours alors au laboratoire pour confirmer cela par une prise de sang et le verdict est sans appel : je suis enceinte de 5 semaines d’aménorrhée. Je suis tellement heureuse et excitée que je ne tiens pas plus longtemps et j’appelle mon mari pour lui annoncer cette excellente nouvelle. Nous pleurons de joie tous les deux.
Je suis si heureuse et pourtant, j’apprends cette grossesse dans un contexte particulier puisque ma petite sœur est alors hospitalisée en service de réanimation à la suite d’une tentative de suicide. Cette grossesse tant attendue, c’est notre rayon de soleil dans cette période compliquée ! A ce moment précis, je ne pense qu’à Romain et à ce que nous allons vivre ensemble. Egoïstement, j’en veux un peu à ma sœur de me gâcher ce moment de ma vie durant lequel je devrais être la plus heureuse du monde. La situation fait évidemment que je ne suis pas totalement comblée. Je suis très inquiète pour ma sœur, et je me demande comment annoncer cette bonne nouvelle au milieu de ce drame familial, quelle sera la réaction de ma sœur face à cette nouvelle, quelle place aura notre bébé dans la famille…
Quelques jours plus tard, ma sage-femme me prescrit une prise de sang complète et nous en profitons pour recontrôler le taux de Bêta-hCG. Le taux de cette hormone de grossesse est sensé doubler toutes les 24 à 48 heures en cas de grossesse évolutive. Je reçois les résultats et bien que le taux de Bêta-hCG ait évolué, il n’a pas augmenté autant que prévu.
J’effectue de nouveau une prise de sang qui confirme que le taux de Bêta-hCG n’évolue pas favorablement. J’appelle ma sage-femme qui se veut bienveillante mais pas rassurante au vu de ce que je lui décris. Elle me conseille de me rendre aux urgences afin de faire une échographie.
Je m’y rends donc avec Romain, inquiet mais bien présent durant tout ce moment. Arrivés aux urgences de la maternité, nous nous installons tous deux sur les petites chaises à côté de l’ascenseur. De là, on peut voir les chambres du service et le personnel hospitalier qui distribue les repas. J’espère voir vite une sage-femme qui pourra me conseiller, pendant que mon mari regarde les papas aller et venir dans les chambres pour prendre leur femme et leur bébé dans leurs bras.
Le personnel semble débordé. Une sage-femme passe par là. Je l’interpelle et lui explique la situation là, dans le couloir, à la porte de ce service qui accueille les sourires de ces mères et les pleurs de leurs nouveau-nés. Elle m’explique qu’au vu des résultats je vais faire une fausse couche, et que je n’ai rien d’autre à faire que d’attendre d’expulser la grossesse.
J’attends donc quelques jours, et cela se déroule comme on me l’avait expliqué dans le couloir. De légers saignements d’abord, puis l’expulsion d’une quantité importante de sang. Je suis au travail, je suis prise de douleurs au ventre et je repars. Malgré les explications que m’avait fournies la sage-femme, je ne comprends pas ce qu’il se passe. Tout ce sang… Je n’ai jamais vu ça. Je n’arrive pas à assimiler tout ce que je vois. Je pense que je perds un peu la tête à ce moment-là. Je crois apercevoir une jambe au milieu du sang. Pourtant à ce terme-là c’est impossible, je le sais.
J’ai donc fait ma fausse couche. Et je suis passée d’enceinte à vide.
Ma vision de moi en tant que femme a été totalement amochée à la suite de cet évènement. Je me sentais sale physiquement et psychologiquement. Je me suis sentie nulle. Nulle d’avoir cru en cette grossesse avant la fin du premier trimestre, nulle d’être enceinte une seule fois en 18 mois, nulle de ne pas avoir été capable de la garder. Au vu de tout cela, je n’avais plus aucune libido dans les mois qui ont suivi la fausse couche. Une simple caresse de mon tendre mari me mettait mal à l’aise. Avec Romain, cela nous a liés encore plus fort. Nous avons vécu cette épreuve ensemble et il fait tout pour que je reste debout. Bien qu’il ait été triste les jours qui ont suivi ma fausse couche, il n’y pense plus. En effet, elle est survenue tôt et nous n’avions donc pas fait d’échographie, mon corps n’avait pas tellement changé, tout cela n’était pas très concret. Malgré tout, cet évènement reste douloureux pour moi.
Nous les femmes, nous savons toutes que les fausses couchent arrivent, et quand on en discute autour de nous, on s’aperçoit que finalement pas mal de femmes ont vécu ça. Cela permet de déculpabiliser. Malgré tout, il subsiste, d’après moi un tabou autour de la fausse couche. Quand cela nous arrive on se sent seule. Et les rares personnes à qui on en parle sont parfois maladroites si elles ne l’ont pas vécu. Ma mère qui a eu deux filles rapidement et sans complication a essayé de me rassurer en me disant « tu es sûre ? », « C’est mieux comme ça, ça veut dire que le bébé n’était pas viable », « ça se passera mieux la prochaine fois »…
A l’inverse, j’en ai parlé avec ma grand-mère qui avait vécu la même situation, des décennies avant moi. Elle avait ressenti les choses de manière similaire. Ses mots ont fait écho en moi et c’est l’une des personnes qui a réussi à me comprendre et me soulager.
Même si je perds patience et espoir après ces longs mois d’attente et que les annonces de grossesse autour de nous sont de plus en plus dures à supporter, je sais que j’ai pu être enceinte, que j’ovule normalement et donc que mon rêve de devenir mère est accessible.
Je continue d’y croire.
Musique choisie par Sonia : Lauren Daigle – You Say
Un commentaire
Lisa
Quel beau témoignage ! Je te souhaite énormément de courage et de force, une belle continuation et vous souhaite de tout cœur d’être parents le plus vite possible ! ❤️