J’ai vaincu un cancer.
Bonjour, je m’appelle Melissa, j’ai 30 ans, je suis mariée et j’exerce en tant qu’infirmière.
Au moment où débute mon histoire, j’ai 23 ans et je suis en fin de 2ème année d’école d’infirmière.
Ce jour-là, j’attends dans la salle d’attente chez mon médecin généraliste. Les partiels sont enfin terminés et je travaille comme aide-soignante en maison de retraite pour l’été. J’ai terminé ma journée et je patiente pour un certificat d’aptitude au sport. Je connais très bien ce médecin. C’est ce qu’on appelle couramment un « médecin de famille ». Il connaît tous les membres de la mienne et me suit depuis mon plus jeune âge.
La consultation se déroule de manière habituelle. Elle débute par l’interrogatoire médical, puis le médecin s’enquiert de l’avancée de mes études, comme toujours. Nous passons sur la table d’examen. Il m’examine et je pense alors à cette boule que j’ai senti au niveau de ma clavicule sous la douche l’autre jour. « Ah en fait ! Regardez, j’ai une boule juste là. Ça doit être une petite boule de graisse » lui dis-je donc innocemment. Il regarde, palpe, examine… Je sens à sa manière d’agir et de regarder qu’il est inquiet.
Il me prescrit alors toute une batterie d’examens. Echographie, radio scanner… Au fur et à mesure que les examens s’accumulent, je sens une réelle angoisse grandir en moi. C’est le cas notamment ce fameux jour où je dois passer au bloc opératoire afin d’effectuer une biopsie pour établir enfin le diagnostic. L’infirmier du bloc opératoire qui touche ma « boule » pense à voix haute « Oh ben ça, ça n’est pas très bon à mon avis ! ». Quelle angoisse. En tant que future infirmière, je m’interroge. Comment peut-on dire cela à quelqu’un qui s’apprête à subir une biopsie avec tout le stress que cela engendre déjà ? « Ça ne sent pas bon » oui je le sais, sinon je ne serais pas là.
Ces examens occupent tout mon été.
La rentrée arrive, je suis malgré tout plus motivée que jamais.
Alors que je suis un cours dans l’amphithéâtre, mon téléphone sonne. Je n’ose pas sortir pour répondre. A la fin de l’intervention du professeur, alors que les autres étudiants prennent le temps de ranger leurs affaires en discutant gaiement, je saisis mon smartphone et compose le numéro de ma boîte vocale. « Vous avez un nouveau message ». Je m’empresse de l’écouter. « Bonjour, c’est le docteur ***. J’ai les résultats de votre biopsie. Je suis désolée mais vous avez un lymphome. Ne vous inquiétez pas, ça se soigne plutôt bien. »
Et là… Le néant. Comme un moment de flottement, hors du temps. C’est comme si je n’étais plus là. En tant qu’étudiante infirmière j’ai des cours d’hématologie, j’ai des notions sur les lymphomes. Mais à cet instant précis je ne sais plus rien. Pendant un court instant, je ne SUIS plus rien. Le vide, immense.
J’appelle une de mes amies les plus proches. Celle qui, je n’en ai pas le moindre doute, me soutiendra coûte que coûte, sans prendre pitié de moi. Alors que je reprends mes esprits, je choisis de ne pas devenir « la fille avec le cancer » – car c’est de cela dont il s’agit – mais juste de rester moi, Mélissa.
Je cherche son nom dans mon répertoire. Une sonnerie, elle décroche. « J’ai un cancer », lui dis-je sans sourciller.
Puis très vite, tout s’enchaîne. Le premier rendez-vous avec l’hématologue qui m’explique la maladie ainsi que le traitement, me permet de mieux appréhender le déroulement des semaines à venir. Il m’annonce 4 mois de chimiothérapie environ, peut-être une radiothérapie par la suite. Pas de perte de cheveux et 97% de chance de guérison.
Je souffle, je respire. Ouf. Ok, on relativise, tout va bien.
***
3 mois sont passés. Je suis sur le point d’entamer la radiothérapie et de clôturer enfin ce passage de ma vie.
Mon réveil sonne, je file sous la douche. Et alors que je me savonne, elle est là de nouveau. Je la sens, juste sous l’aisselle cette fois-ci. Le ciel me tombe sur la tête, je ne comprends pas. Ce cancer n’a donc pas envie de me quitter et je fais malheureusement partie de ces 3% de personnes qui rechutent.
De nouveau les rendez-vous médicaux s’enchaînent et j’apprends qu’il va falloir traiter cela de manière plus agressive. Nouvelle chimiothérapie, je dois dire adieu à mes cheveux et bonjour aux nausées, à la faiblesse, la fatigue extrême et le regard des gens…
Je dois cesser mes études que je parvenais à suivre jusque qu’à présent. Il faut que je consacre toute mon énergie à me battre contre cette saloperie !
Malgré tout, le traitement ne suffit pas et on m’envoie à Paris où l’on me parle de la greffe de moelle osseuse. 97% de chance de guérison, je pensais que c’était gagné. J’avais sous-estimé ce cancer.
C’est maintenant que le combat le plus dur commence. Car pour que je puisse guérir totalement, je dois subir 2 greffes de moelle osseuse. La mienne (auto-greffe), puis celle d’un donneur (allo-greffe) pour consolider la rémission. Au moment de la greffe, notre corps a une immunité quasiment nulle, et je me retrouve donc en chambre stérile pendant 3 semaines. C’est affreux, ennuyant et tellement angoissant. Aussi, lorsque l’on me propose la deuxième greffe, je panique.
Au départ, je ne souhaite pas subir de nouveau ce protocole, d’autant plus que l’on m’annonce que je vais devoir me faire opérer pour que l’on conserve l’un de mes ovaires car ce traitement peut me rendre stérile. Cancer ou pas, c’est la pire chose que l’on puisse m’annoncer. Devenir mère, c’est le rêve de ma vie !
Je refuse donc le protocole. Quelques jours passent et je ne peux que constater l’angoisse de mes proches. Leur malheur, leur souffrance… C’est l’une des choses les plus difficiles qu’il me soit donné de vivre. Le pire, c’est de savoir que c’est moi qui suis la cause de leurs pleurs et de leurs peurs. Alors, finalement, je finis par accepter l’allo-greffe.
Ce qui me permet de tenir durant mes 3 semaines en chambre stérile, seule, c’est ma foi. On dit que « Dieu donne ses plus durs combats à ses plus forts soldats ». Alors je me bats. Je tiens bon, je garde le cap et je me fais la promesse que si je finis par m’en sortir, je me ferai baptiser.
***
Aujourd’hui cela fait 5 ans et demi que je suis en rémission. Ou plus précisément que je suis guérie. JE SUIS GUERIE. Cela sonne en moi comme une victoire. J’ai gagné une bataille, mais pas encore la guerre. Je me bats maintenant aux côtés de mon mari pour fonder notre famille.
Si j’ai accepté de témoigner, c’est pour rappeler à chaque personne qui lira ce texte qu’une force colossale et insoupçonnée se cache en chacun d’entre nous. La mienne, je l’ai puisée notamment auprès de mes proches qui ont été d’un soutien infaillible au cours de ce combat. Sans eux, je ne serais pas la femme que je suis aujourd’hui, la future mère que je m’apprête à devenir un jour.
Musique choisie par Mélissa: Soprano – Millionnaire